De Litteris

20-11-2011

Botanique Circus

Frédéric Clément - Editions Albin Michel

J’ai déjà dit ici mon amour pour Frédéric Clément et mon attente impatiente de son dernier opus. Le Botanique Circus est arrivé chez moi ce week-end et a déployé pour mes yeux ravis les chatoiements de ses pétales, ses merveilles végétales et autres surprises étaminées.

C’est l’histoire d’un géant aux feuilles de chou, qu’un monsieur Loyal tente d’intégrer à sa revue : acceptera-t-il d’être le fleuron de son spectacle ? Saura-t-il écouter les bougonnements des bourgeons, les soupirs des soucis, les cris des chrysanthèmes, les silences des simples… ? Se mêlera-t-il à sa collection de saltimbanques et vivra-t-il au milieu des clowns, dompteurs et autres anges du bizarre ?

C’est une histoire qui se dédouble : un petit livret à reliure japonaise en offre une version in extenso, vierge d’images, si ce n’est la disposition, graphique, poétique, du texte ; le livre-chapiteau en offre une version plus courte, mais doublée d’images envoûtantes, courbées entre illustration et photographie. Dans les deux cas, un verbe-acrobate se chamarre, où les mots appellent en chaînes, en colliers perlés, les fleurs et les légumes, en associations sonores réjouissantes (Melle Coco et ses cocasses coloquintes…), mariant à plaisir deux univers, celui du cirque et de la nature.

Sous la plume et le pinceau de Clément, le verbe et la lumière se contorsionnent et se nourrissent l’un l’autre : l’image contenue dans le mot se déploie en icône pi(g)mentée. Ainsi la signora Lupa, tout droit échappée de Freaks, se fait-elle dompteuse de gueules-de-loup, la belle Lily devient Lys (non plus tigré, comme chez Barrie, mais de Macao), l’œillet d’Inde un Pacha et l’alkékenge un angelot de pétales froissés. Le mot danse, sursaute, s’interroge, et de ses plis naît la fleur vocale, puis la fleur d’images : du mot Passi-flore naît un numéro floral évanescent, si vite passé (« Fleurir. Sourire. Mourir. »), de la rose émerge Ronsard, et, numéro après numéro, « quelque chose d’autre que les calices sus musicalement»(Mallarmé), une véritable virevolte poétique qui nous amène à reconsidérer nos connaissances botaniques et linguistiques.

Si les mots dansent et pétillent de références, les images entrent dans la même sarabande : il y a du Degas chez cette écuyère acrobatique, un peu de Magritte dans cette pluie de chardons, du Dali dans cette rose méditative ouvrant ses éclats de Castafiore… et bien sûr, d’innombrables clins d’œil à l’esthétique des affiches de cirque – je pense à ses Narcisse Siamois, au lettrage employé pour présenter les artistes ou aux jolis acrobates-fées qui ponctuent les différents tableaux.

Mais ce n’est pas le seul spectacle que nous offre le Clément enchanteur : à celui de ses personnages en herbe et en fleurs s’allie celui d’un livre-objet de toute beauté. De la reliure cousu de vert du livret amplifiant l’histoire, au pop up fragile d’où surgit, cachée dans les replis et les déploiements du papier, la merveille des merveilles, des plissés des deuxième et troisième de couverture (plissés si emblématiques de l’esthétique clémentine et en harmonie avec celle du cirque végétal) au jeu de collage, où les chromos et les menus objets s’insèrent dans l’acrylique et forment comme un pont entre réel et imaginaire, de la simple mise en page du texte, qui le ponctue et le rythme autant qu’elle le redessine, de tout cela naît un véritable plaisir sensuel de lecture, tant sont rares les artistes, aujourd’hui, capables de donner naissance à une œuvre aussi totale.

Les plus curieux seront ravis des quelques coulisses de fabrication que le petit livret révèle ; les autres se laisseront tout simplement emporter par cet univers hors du commun. Alors approchez, rêveurs, rêveuses, suivez les roulements de topinambours et les sonneries de pâquerettes, écoutez les claquements de fouets des liserons, ouvrez, ouvrez vos oreilles de chou, vos cœurs d’artichauts et vos yeux de songes et entrez dans le Botanique Circus !

Petit bonus pour les yeux : les étapes de l’arrivée du Botanique Circus sont à contempler sur le blog de l’artiste.

Petit clin d’oeil aux compositions clémentines : l’arrivée du Botanique Circus dans ma bibliothèque.

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