De Litteris

29-3-2013

Carnet d’un poète assis sur l’horizon

Antonello Palumbo - Editions Les carnets du dessert de lune

Cette anthologie de trois recueils (deux poétiques, un de “critiques” – on devrait plutôt dire “ressentis” – de films) est un beau condensé d’une vie en poésie : au fil des pages se dessine une âme sachant lire, dans le quotidien, “la recherche du vrai nous-même“, les “approches / maladroites / insensées” qui font le lit des histoires, les griffures / biffures / questions façonnant les “amours tronçonneuses” et les hésitations perpétuelles, entre silence et cri, qui rythment la langue poétique.

Il y a de la tendresse naïve, chez Antonello Palumbo, de celle qui, nourrie par l’enfance aux yeux de songes (“nous avons la certitude / d’un moment pur, / innocent, secret…/ notre chemin“), enlumine les regards quotidiens (“regarder autour de nous / dans un excès de confiance aux choses… / ouvrir notre imaginaire : / sentiers périlleux“), tresse des silhouettes d’êtres purs (“elle était de l’autre côté, / à l’inverse du temps, du moment“) et permet d’ “attenter à la misère du monde” en transformant les hommes en “ces petits oiseaux / qui sautillent sur les dents des crocodiles, / criant de plaisir à chaque fois, d’avoir vécu /cette seconde entre la fin de la bouche / qui écrase et la liberté du vent, du monde“.

Traçant, de poème en poème, “l’histoire d’un homme / qui essaie d’écrire une histoire / qui serait comprise de tous / et lui ouvrirait enfin tous les possibles”, il dit la soif des mots comme celle des premiers gestes, et fait de l’écriture un recommencement, une réinvention de la beauté originelle du monde et de l’horizon des êtres. Il saisit d’une “écriture si ronde“, au rythme calme et fluide, des vies minuscules qui s’y reflètent en miroir : refaire un toit pour reconstruire un amour ; changer des droits pour en faire un lit d’enfant sage, loin des batailles amoureuses ; écouter l’univers et y unir sa propre “petite plainte / à peine murmurée“, se fonder dans la nature pour se faire nourricière (“elle pense qu’elle est une goutte d’eau / une nervure de feuille, /une poussière d’étoile, / et qu’elle aussi elle nourrit / elle nourrit”) ; saisir l’attente, les paroles ralenties, les embardées du rêve (“elle ne ralentit pas, / et ne fait rien, absolument rien pour arrêter le rêve / et se réveiller saine et sauve“), les caresses silencieuses, les essoufflements, les disparitions, les envolées de l’âme (“le tout, elle le colle / sur son beau papier étoilé / elle le pose sur sa fenêtre / quand elle a tout fini / elle prend son élan / ELLE S’ENVOLE“)..

On retrouve la même ligne claire d’écriture dans l’évocation des films qui l’ont ému (Tous les matins du monde, The fisher king,La double vie de Véronique, Sister Act, L’odeur de la papaye verte, Le temps des gitans…). Dans ses chroniques, Antonello Palumbo rend grâce à l’humain qui inonde la pellicule  (“ce film […] est à voir pour éclabousser nos consciences“), au voyage vécu (“alors/ je rentre chez moi / de l’autre côté / de l’écran / de cinéma” ; “le cinéma est avant tout, je pense, une découverte, une aventure“), à l’expérience sensible qu’a été la vision (“vivre plein de l’autre et s’oublier de soi“) et à la rencontre qu’elle a créée (avec des visages, notamment, évoqués en ces belles paroles : “quand au détour d’une scène, soudain un visage se fige, que l’émotion monte, qu’une première larme coule, qu’un sourire s’esquisse… Où est le jeu, où est la réalité, la fiction, la frontière ?”).

On quitte ce poète assis sur l’horizon, l’âme rassérénée de tendresse, de douceur et d’apaisante naïveté, heureux de contempler, dans sa mémoire usée, quelques images-étoiles : un arc-en-ciel comme “pont de couleurs“, un “vase sans fleurs/ mêmes sèches… / un vase qui dit non, / qui dit “je me contiens tout entier / je suis léger, si léger“, un cri muet (“juste une bouche / immense / et une chute / c’était comme lire / un aargh de bande dessinée“), une “goutte de pluie /rêvant d’azur et tombant tête baissée / vers son contraire“, un cahier à “laisse-mémoire“, des “bateaux / qui naviguent peureusement sur la ligne d’horizon / où tous les marins se sont bandés les yeux” et de l’encre “qui laisse çà et là / quelques reflets de lumière“.

On se procurera avec plaisir ce beau recueil chez un libraire ou en le commandant à l’éditeur.

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