Ces gestes en écho
Tracer, à travers des vers qui chutent comme blancs jupons, une âme de femme, un amour de femme, une vie de femme. Scruter, dans les gestes du quotidien, le « pourtour du soi » et « l’eau du poème/où se désaltérer ».
Laisser remonter l’enfance par salves, qui scrute la femme qu’on est devenue (« une déchirure / remonte à la surface / petite / sous l’escalier / elle se croyait à l’abri / de quoi ? »), et se réfugier dans la beauté du rêve (« de leur passage trop rapide / ils gardent des îles sous leurs paupières / des chants inaboutis » ), pour conjurer la fatigue, l’oubli et l’évanescence de ces espoirs passés.
Déployer, sans cesse, ce qui fait l’essence de l’être, à travers l’infime (« gestes morcelés », « l’odeur des paysages / chaque printemps / dans sa mémoire », la « lame des ténèbres sur la nuque »), à travers l’écho des pulsations du passé et les failles des silences (« ne peut-on écouter / les légendes oubliées / sous les ruines des paroles / renouer / la lenteur des gestes ? »).
Interroger ce qui façonne le couple : actes, paroles, partages, attentes, désillusions (« elle voudrait déchiffrer / avec lui des haltes / ne plus s’inventer de raisons / il court devant « ), enfant qui dessine en creux le renouveau (« l’enfant imprévu / ébouriffe les réponses / ouvre la porte pour l’écoute »), envie de fusion (« le désir / cet éclat de ciel / ouvre l’enclos du temps ») quand on pressent la faille, le « point final / d’une ligne brisée ».
Dire avec ténacité et pudeur les larmes, les éblouissements, les paroles mortes, les respirations lumineuses, les déchirures, les mots qui recousent l’âme… Livrer une sensibilité abrasée par les silences, embrasée de révolte et de mélancolie. Et lancer, comme espoir vif, le poème en ligne de survie, pour « s’alléger enfin / de ce qui s’amenuise ».
Que l’on ne se fie pas à l’écriture, faussement simple : si elle prend parfois des apparences de légers haïkus, son beau cheminement est bien plus complexe qu’il n’en a l’air, suggérant, plutôt qu’imposant, des motifs qu’il disperse en « presque rien / petits cailloux semés / et qu’on retrouve / tout au long du parcours » ; traçant, en cercles fugaces, les balancements, les gouffres et les percées d’une âme qui se découvre au fil d’une désillusion (« elle avait rêvé / à quelle initiation / accompagnée pour quel passage ? ») et qui travaille à se reconstruire.
On repose ce recueil, touché – “bouleversé” serait trop fort, tant Mireille Fargier-Caruso travaille plutôt par touches pudiques, par impressions qui hantent plutôt qu’elles ne frappent – par cet « absolu dénudé », sensible et juste, et hanté par sa délicate musique (« sous l’écorce du vent / comme un vide / dents serrées »).
2 commentaires
trés touchée d’avoir pu partager les impressions, “balancements, cercles fugaces , éblouissements , déchirures ..” évoqués dans mon livre “ces gestes en écho”; qqs petits cailloux semés ;
merci pour votre lecture attentive et chaleureuse,
Heureuse qu’elle vous semble juste ; merci à vous pour tous les beaux moments de (re)lecture que vous m’avez offerts, entre éblouissement et émotion !