Découvrir la revue de belles-lettres
J’ai rapporté du Salon de la Revue deux exemplaires de la Revue de Belles-Lettres. Couverture blanche élégante et sobre, à peine éclaboussée d’une agréable typographie colorée, maquette épurée, papier de qualité. Ce sont deux beaux objets, agréables à faire bruisser, dont la facture oscille entre le classicisme des grandes revues et un confort de lecture, dans le design général, assez moderne.
Son contenu confirme ses premières impressions : on y trouve un espace poétique où s’entrelacent la mise en valeur d’auteurs modernes, futurs classiques, (Paul Celan, Jacques Roman, Alejandra Pizarnik…), et la mise en lumière de plumes contemporaines. Des sommaires qui font dialoguer la jeune création et la réflexion autour de l’acte créateur, des brouillons d’écrivains et des essais sur le processus de traduction, des « work in progress » comme des écritures abouties, des notes de lecture et des extraits de recueils vivants, des invitations de découvertes littéraires ou des « tracés », réponses d’un écrivain à un autre (très belles pages de Christian Doumet à propos de Borges, et beaux fragments de David Collin lisant Jacques Roman… ou Jacques Roman lisant Bernard Noël).
Les langues s’y chevauchent (l’allemand, le chinois, l’espagnol, l’anglais côtoient le français des traducteurs et des créateurs), des gravures apparaissent, des photographies de brouillon se glissent… Il y a dans ces pages, autant anthologies passeuses que plateformes d’expression, une réelle volonté de défendre la création comme production & processus, de saisir les tâtonnements de l’objet littéraire dans sa contemporanéité, ses élans, ses fulgurances, ses hésitations, ses essais, son lent travail de marche vers l’aboutissement de « belles-lettres », c’est-à-dire d’une certaine conception de la littérature moderne comme abouchée à un passé, à un héritage avec lequel elle entretient un dialogue fécond.
De jeunes poètes des cinq continents peuvent donc partager l’espace littéraire avec Hilde Domin, Anton Tchekhov ou Bernard Noël ; de nouvelles traductions y répondent aux anciennes, réaffirmant le nécessaire travail de re-traduction, d’adaptation des textes classiques, et soulignant le travail d’écriture créative qu’est la traduction. C’est une littérature sans frontière, sans cloisonnement d’expériences, que l’on nous livre ici, avec pour seul souci la qualité et la volonté de défendre des voix jugées essentielles et une certaine idée du « littéraire » aujourd’hui.
Faisant la part belle à la poésie – quoique le roman, à l’honneur dans le dernier numéro, la prose poétique (grand bonheur que d’y lire ainsi Claude Dourguin, dont je relis souvent avec plaisir La lumière des villes, entre autres textes lumineux) et le théâtre n’en soient pas exclus-, la revue de belles-lettres tente donc de proposer un beau et curieux kaléidoscope de la création contemporaine, au coeur même des établis des poètes et de leurs langues vibrantes.
Un beau projet à soutenir, qui livre maintes pistes de découvertes et relectures.
Vous pouvez trouver de plus amples informations sur le site de la revue ou consulter les sommaires des deux numéros que je mentionne dans cette critique ici et là.
Un grand merci à David Collin pour cette belle découverte !