Deux terres, un jardin // L’inflexion du vivant
Deux plaquettes, deux chemins diffusant la même exacte clarté, la même voix roulant les lettres pour dire les mystères d’une âme qui s’élance vers l’autre (« au noir de toi / soleil de l’autre / qui donne lettre ») et d’un monde que l’on cherche à habiter dans son entièreté, dans ses contradictions, ses possibles et ses impossibles (« au pied des parois / le don du verbe à l’azur / descelle les distances / unit le perdu au perdu »).
Lire Sylvie Fabre G., c’est aller à la rencontre d’un visage-paysage cherchant à dire l’entre-deux des âmes et des pays qu’elles habitent. C’est se servir des mots comme de persiennes pour deviner, en clair-obscur, dans son appel vers l’autre, le « je » (« un pré en pente/ extraordinairement menacé »), ses limites, ses partages, sa quête d’unité, son questionnement qui, fouissant dans les mots, trouve dans le mystère son écho (« questions à l’intérieur de toi / tels défilés ou sanctuaires / vides. »).
Bercé par cette voix auscultant, douce insistante, les jardins verbaux qu’elle cultive, le lecteur traverse sa propre langue comme un paysage rêvé, où le versant enneigé d’une montagne est une « parole maladroite », le buisson une parole ébouriffée, les mots des murs fleuris, l’indicible une chute de pétales et de plumes ; où résonne « enchevêtré, embué / le nom » et où « la parole glisse dans le tracé d’une allée / au profond de la charmille / où s’extasient les oiseaux ».
Que ce poème-jardin semble parfois réel importe peu, tant le lecteur, captif de ce chant aux inflexions riches de flagrances, crie en écho son allégeance au vivant, dans toute sa sensualité vibrante, éclatante (« comment dire la poussée intérieure / du paysage, l’onde des mots dans sa lumière ? »). Faisant rouler en bouche les mots du poème comme source fraîche, il répond au dialogue qu’engage Sylvie Fabre G. (« mes yeux désirent / ta langue incarne » ; « tu réinventes un langage à la patience / de ce qui pointe en toi / de ce qui se ferme en moi » ), simplement heureux que la beauté ne prenne « pas congé, ni la question / qui greffe neige, vent et verdoiement ».
Deux pré # carré aux pétales turquoise, l’un sur fond de terre, l’autre de gris-bleu fumé, pour couvrir « de formes en phrases » les âmes-paysages que l’on porte en soi, pour entourer d’un « chant pur », l’esprit des lieux-langue qui nous habitent.
Deux pré # carré pour s’ouvrir à la belle voix de Sylvie Fabre G… en attendant le troisième, à paraître en juin 2013.
Vous pouvez commander ces deux premiers opus ici et vous abonner pour obtenir le troisième là.