De Litteris

14-2-2013

Gorgô / Terpsichore et autres riveraines

Claude Louis-Combet - Editions Galilée, Fata Morgana

Réécrire des figures féminines immémoriales pour dire, à travers elles, la part sauvage de l’être, ses angoisses, ses fantasmes. Faire de la mythopoétique une liturgie féminine, une célébration sensuelle, tellurique, inquiétante ; dire la femme dans sa sensibilité, sa sexualité, sa sainteté et ses maléfices : autant de thèmes qui imprègnent l’œuvre de Claude Louis-Combet et que l’on retrouve dans ces minces opuscules publiés chez Galilée et Fata Morgana.

A travers Gorgô, il chante la fascination-répulsion pour le sexe de la femme, béance insatiable de vie et de mort, tabou qui serpente ses mystères à travers les siècles. Interrogeant la figure hybride de Méduse, ce « ramassis de haine et d’amour », il dit la férocité du désir féminin et sa réception, scrute les limites entre animalité et humanité, et rappelle les diverses nuances du mythe (Gorgô, comme force de destruction paralysante, mais aussi comme force de vie donnant naissance à Pégase). En redessinant les contours de sa rencontre avec Persée, il offre aussi au monstre-femme une réinterprétation en forme d’expiation surprenante.

Avec Terpsichore, muse de la danse, c’est la femme comme puissance tellurique qui est célébrée : en nous donnant à lire la naissance de ce corps de femme (« muer en chair laiteuse et candeur d’âme »), en contant l’immanence de la beauté et de la féminité (« la femme antérieure à toute femme »), il chante l’éclosion d’une puissance d’adoration et de désir (« le rythme est né de la suprême émotion d’être femme et d’être au monde »).

Flora, la belle Romaine sortie des vers de Villon, prolonge ce mythe de la Femme-Corolle qui « compose et les sexes et les cœurs et les âmes » et fait de ses replis de chair-pétale le calice de tous les désirs (« on la devine sourdre à mesure que nous rêvons »).

S’éloignant de ces évocations sensibles, Mala Lucina, la maléfique accoucheuse, lui permet de  renouer avec l’archétype de la Femme-Danger. Oscillant entre puissance de vie et de mort, Lucine façonne les humains, leurs folies et leurs difformités ; puissance créatrice et destructrice, elle dit toute l’ambivalence des mythes féminins à travers les siècles : « Je ne suis pas un fléau, songe Lucine. Je ne tue que ceux que j’aime – et pour les protéger. Je n’accouche des monstres que pour me distraire – comme d’autres écrivent des livres. Et je ne produis des fous qu’afin de connaître la vérité ».

Tramés d’une écriture musicalement juste, sensuelle et foisonnante, ces portraits féminins – ou plutôt ces blasons de féminité- chantent la transformation de nos regards sur le corps féminin, entre transgression et fascination ; la puissance de nos désirs ; notre besoin intemporel de cueillir la beauté ; la complexité de la réception du mythe féminin à travers les âges.

Dignifiant la Femme par la beauté du verbe poétique, seul apte à chanter la plénitude de ses énigmes, Claude Louis-Combet nous offre une mystique de la féminité qui décape, de manière salutaire, l’imaginaire sucré dont on enrobe la femme contemporaine.

Deux livres, lus comme autant d’épiphanies poétiques, que l’on fera communier, avec plaisir et respect, sur nos étagères, avec ses portraits de Léda, Marina et Mélusine…

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