Infinis paysages
Derrière ce titre, le thème du Printemps des Poètes en 2011, et quinze voix pour s’en emparer. Quinze voix pour dire la pluralité de l’expression poétique et de la compréhension intime d’un thème.
Pour certains, l’infini paysage est celui de l’intime solitude et les possibilités de l’être qu’elle dévoile (chez Cécile Delalandre et sa jolie Tess, chez Dzovinar et sa dîneuse esseulée) ; pour d’autres, c’est le grand dehors (ainsi les alexandrins romantiques de Stanislas Fleury réinterprètent-ils le thème de l’océan comme paysage-âme), le « là-bas » qu’incante Fanie Vincent, le familier qui s’étrange (telles les flâneries de Vera Stépanowa) ou que l’on transmet (« caressé par le foehn, par un berger veillé/ j’ai voulu que Maurienne soit ton autre mère », Annie David)
C’est parfois la perception nécessairement incomplète et donc éclatée que l’on a du monde (« infinis paysages/ l’indistinction me prend », Nourrit Masson-Sékiné), du temps (« j’apporte les plis du temps et les range dans des casiers de lumière », Christine Leininger ; « le matin vert est annoncé / déjà sur tes lèvres fendues / le jour a posé ses éclats », Yasmina Teterel) ou celle, diffuse, de la vie des autres (« et moi je suis assise où s’attardent les paumés/ près d’un autre qui pourtant s’acharne à le cacher » Cécile Delalandre).
C’est parfois l’Autre, sa culture (Les indiens de Marie-Agnès Michel, ou le bel hommage-rêverie au Boléro de Ravel de Christelle Anjou) qui infinise le poète, l’invite au voyage (jolie errance de Simon Camier), le propulse dans l’hors-temps du conte (Le crapaud, ma chère de Luna Barbare, amusante variation-comptine) ou l’incite à la révolte (« mon frère/regarde et entends là-bas/la terre trop vieille se déchirer/les âmes usées sonner le glas/ la mer grise baignée de larmes/le gémissement des femmes afghanes/les coeurs de glace se pétrifier/l’enfant porter les armes », Robert Bruce – sans doute mon texte préféré).
Que la forme soit classique ou privilégie l’éclatement (telles les petites phrases de Patrick Aspe), que le poème suggère ou narre, que l’on sente un grand travail du texte ou une éclaboussure d’encre spontanée, et que l’on s’immerge ou non dans ces univers poétiques diversifiés, il y a dans ce petit recueil une volonté touchante de dire l’être au monde et de s’ex-primer dans toute sa plénitude – que celle-ci soit matière abrupte ou ciselée, que la voix porte en elle le poids d’une vie en poésie ou les pousses tendres d’un éveil au vers.
Un recueil qu’on sent lié par l’amitié et l’engouement de l’éditeur envers ces quinze voix singulières et complémentaires.
Un commentaire a déja été laissé
Merci pour la publication de textes comme des rais de lumière dans une clairière au soir déclinant. “D’infinis paysages” en traits de plume arborés qui nous ancrent en terre des mots.
Fanie