De Litteris

25-2-2013

La mort d’un pirate

Adrian Jones - Traduit par Hélène Quiniou - Editions Zones Sensibles

La mort d’un pirate est un bon contre-point à ceux qui ont aimé le film The boat that rocked : on s’éloigne ici des pétillants DJs du film de Richard Curtis pour plonger dans les raisons de l’assassinat d’un propriétaire de radio pirate, Reg Calvert, par l’un de ses concurrents, Oliver Smedley. En étudiant les mobiles du crime, Adrian Johns décrypte les enjeux des débuts de la radiodiffusion et nous offre un essai que l’on dévore comme un polar.

C’est une véritable bataille (technologique, économique, culturelle et politique) qui s’engage dès le début des années 20 : d’un côté, la BBC, soucieuse d’instruire le peuple par les ondes, respectueuse du droit d’auteur, désireuse de créer, à travers une écoute soutenue et de qualité, des auditeurs-citoyens, des consciences britanniques élevées au-delà des dérives consuméristes, tout cela au prix d’un certain rigorisme.

De l’autre, un écosystème libertaire, des partisans des radios commerciales, des inventeurs déchaînés qui remettent en question le consensus intellectuel ambiant, tant à travers la musique qu’ils diffusent (The Who, The Rolling Stones…) que leur manière de la diffuser.

D’un côté, des stations installées, sponsorisées par l’Etat, pourvoyeuses d’un véritable service public ; de l’autre, des pirates s’accaparant d’anciens forts militaires perdus dans les brumes de la mer du Nord, instaurant une contre-culture musicale, économique & politique, expérimentant les possibilités expressives des ondes et les limites du capitalisme.

Mais au sein de ces nouveaux frères de la côte, des dissensions s’installent : coups bas, magouilles, concurrences,  guerre technologique et publicitaire… Autant de traîtrises aux conséquences tragiques, qui bouleverseront l’opinion publique et conduiront les radios pirates à leur perte.

En naviguant de la grande histoire (essor de certaines musiques, tentative de légitimation de pratiques populaires, débats autour de la liberté d’expression et de création, développement d’un nouveau média que la société absorbe et déforme, crise intellectuelle provoquée par la confrontation entre les vues des pirates et la doxa ambiante) à la dissension entre Calvert & Smedley (ses origines, ses témoins, sa dramaturgie, ses conséquences, son iconographie), Adrian Johns nous confronte aux questions soulevées par la société de l’information “à l’épreuve des ondes” et interroge le sens et les valeurs de tout service public rendu à la nation.

A travers l’exemple particulier de la radio, il soulève un débat qui pourrait tout aussi bien s’adapter à la télévision ou à internet, et interpeller hommes politiques comme pirates.

Un livre passionnant, aussi divertissant – son rythme évoque bien plus le roman policier que l’essai- qu’instructif, doublé d’un bel objet (maquette soignée, typographie élégante…).

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