De Litteris

12-9-2012

L’or perdu de la joie

Olympia Alberti - Editions Salvator

Ecrire « le roman secret de Camille Claudel et de Rilke », recomposer, par touches sensibles, la rencontre entre deux âmes pétries de grâce, tisser entre eux un amour-amitié, une entente créative : tel est le projet d’Olympia Alberti dans L’or perdu de la joie.

Le livre, en mêlant carnets de poche de Rilke, correspondances, incursions introspectives dans les esprits tourmentés de ces créateurs qui cherchent à transformer la boue de leurs angoisses en or joyeux, est moins le récit d’une rencontre –celle, ratée, de Rilke avec le grand maître Rodin qu’il venait monographier, et celle, transcendante, avec Camille Claudel, procédant par éclats irréguliers- qu’une invitation à plonger, en touches lyriques, à travers deux voix en quête d’éblouissement. Ce qui émerge de la lecture, c’est moins la reconstruction chronologique des échanges entre la sculptrice et le poète, que l’ambition de donner à lire, en négatif lumineux, l’évolution créative de deux êtres, l’une vouée à la folie torturée, prisonnière de sa condition de femme, flamme soufflée par les dérives du siècle, l’autre tout d’intellectualisme admiratif, cherchant à exprimer une solitude incomprise, mais voué presque malgré lui aux ors de la reconnaissance publique.

Les deux voix s’entrecroisent pour mieux donner naissance à une certaine image de l’artiste au début du XXe siècle, créateur qui s’invente sous l’ombre romantique du XIXe et tente de s’en affranchir dans un même mouvement ; chevillées à leur quête de sens et de sublimation, les deux figures oscillent entre richesse intellectuelle et désespoir d’être incompris, entre élévation spirituelle et pauvreté sociale, rejoignant par là le mythe de l’artiste torturé, prisonnier des conventions sociales quand il voudrait se vouer à la création, ou celui du génie boudé par son époque, en quête d’amour, de lumière, de reconnaissance.

En réinventant la voix de Rilke – entortillant son travail de re-création de citations, de passages quasi-paraphrasés, pour mieux « mentir-vrai »- et en donnant à lire, à travers l’étude de ses sculptures, celle, cousue de déchéance, de Camille Claudel, Olympia Alberti tresse donc moins un conte d’amitié et de folie qu’elle ne tente d’esquisser un portrait de la spiritualité du début du siècle.

Ce –noble- parti pris n’est pas sans risque : la plume d’Alberti s’épanouit en lyrisme intellectualisé, au risque, souvent, de l’abstraction : le pari s’avère parfois payant, exaltant le vertige créatif et l’éblouissement d’une rencontre que l’on perçoit comme fondamentale, mais s’enferre, par instants, dans des emportements qui pourront paraître absconds à bien des lecteurs.

Malgré ces quelques instants de dérives où l’on se demande qui, de la persona-Rilke ou de l’écrivain Alberti, exprime son mysticisme irréfragable face au pouvoir de l’écriture, on ne peut s’empêcher d’être touché par le portrait spirituel de ces deux êtres rattrapés par la légende et par l’écriture, oscillant entre essai, roman et poème, qui tente de chanter leur complexité.

Quelques lignes, pour vous convaincre :

« La voir, la rencontrer dans mon regard et dans mon cœur, dans l’ouvert, ce fut cela. Quelque chose de grand et de suspendu, qui a éclaboussé mon intérieur de sa lumière.

Comment dépasser cet instant-là, cette tempête dans mon cœur sauvé de sa lassitude ? Où être assez grand pour le contenir ? »

Livre reçu en service de presse

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