Une brève histoire des lignes

Parler, chanter, marcher, dessiner, écrire, construire, tisser, danser, délimiter, ponctuer : autant de lignes, éphémères ou durables, physiques ou métaphoriques, s’inscrivant dans notre quotidien et façonnant notre inconscient. Avec ces tracés/trajectoires/droites/sillons/fils/traces/frontières/plis se dessine une nouvelle manière de penser l’homme et les choses.

Tim Ingold construit, avec cette Brève histoire des lignes, un nouveau champ de réflexion où profusion et analogie sont les maîtres mots. Cette somme convoque la musicologie, l’esthétique, la paléographie, l’histoire, l’architecture, la cartographie, la calligraphie, l’anthropologie… et les unit au fil d’intuitions lumineuses pour tracer, peu à peu, à travers l’imprégnation de ces lignes omniprésentes dans nos modes de fonctionnement, la naissance de l’esprit moderne.

Suivant la transformation du fil (naturel : rhizome végétal, racines, aiguilles, nerfs) en instrument (pelote, filet, pont, plume) puis en trace (écriture, gravure, broderie, frontière), Ingold nous fait vivre la lente métamorphose de la ligne en constituante de nos réflexions (de la ligne d’écriture à la lignée humaine, de la jonction entre deux points à la droite et, après elle, à la rectitude morale) et, titillant nos schémas de pensée, rend patent ce réseau invisible qui les forme, les colonise, les domine : sous les objets/connexions/espaces, un maillage habile dont nous ne connaissons et habitons que trop peu la trame.

Richement illustré (schémas, calligraphies, cartes, figures, partitions, typographies, diagrammes…), porté par une plume claire et érudite, cet essai enthousiasmant désengourdit nos confortables habitudes de penser et bouscule notre manière de voir et habiter le monde.

Une fascinante remise en perspective, dont vous pouvez lire quelques pages ici.