Déserts
Cinq déserts, cinq voix, unies autour d’un secret familial que l’on découvre et qui joue le rôle de bain révélateur pour chacun des personnages. Cinq destinées prisonnières de leurs solitudes, que la vie a séparées et que le roman fait se rejoindre au fil d’une intrigue qui révèle peu à peu leurs liens.
Ce sont les lettres d’une morte qui font rejaillir le passé et remettent en question maints acquis familiaux : au fil des chapitres, le portrait éclaté d’une famille (trois enfants, la mère et le père) et de la complexité de ses liens (regrets, reproches, mise à distance…) se dessine, révélant combien, malgré l’éclatement, chacune des voix est tributaire de l’autre et a reçu en héritage une certaine vision commune de la vie qui se traduit jusque dans son choix d’enracinement géographique.
En effet, quoique dispersés aux quatre coins du globe, chaque membre de la famille habite un désert, que cela soit au sens le plus géographique du terme (Nouveau Mexique, Sultanat d’Oman, Arctique), ou métaphorique (Houston, Washington, déserts urbains émotionnels) ; chacun est hanté par la solitude, ainsi que par un certain rapport sensible, sensuel au monde, plus ou moins intériorisé ou exprimé (par l’art ou la science). Ainsi, bien qu’ils cherchent à s’expatrier (littéralement : s’éloigner de la terre des ancêtres et de ses valeurs), ils se découvrent tous, malgré des personnalités et des quotidiens bien différents, reliés par leurs filiations affectives, par des liens émotionnels parfois plus forts que les simples liens du sang.
Peu importe alors, au final, le tournant que prendra chacune des vies – que le passé s’apaise, qu’on lui tourne résolument le dos, que l’on bifurque ou que l’on s’ancre un peu plus fermement dans les valeurs transmises ; un fil rouge, débusqué par les révélations inattendues qui servent de pivot au roman, les relie presque malgré eux, jusque dans leurs prises de conscience et bouleversements personnels.
Si la lectrice pointilleuse que je suis a regretté l’aspect didactique un peu trop appuyé de certains passages et quelques tournures manquant de rythme, cette deuxième immersion dans l’univers de Sylvie Ferrando m’a davantage convaincue : depuis Roma, l’Avventura, le style a gagné en fluidité et en efficacité, les personnages et les milieux qui les portent sont mieux cernés (tant dans leurs différences que dans les échos qui se tissent entre eux), et le fil conducteur, égrené à petites touches, intrigue jusqu’aux dernières pages.
Ce court roman parvient à faire ressentir, par éclats, ce qui peut, au-delà du sang, constituer une famille, un certain sens de la famille tout du moins. En cela, et au-delà de ces quelques défauts stylistiques, il touche à son but !
Livre reçu en service de presse.