L’autre face du froid
Un an de marche, dans les pentes du haut Cantal, « du milan royal au caillou du chemin » ; un an de fragments de regard ; un an à glaner poétiquement les merveilles de la nature, à glisser, sous la couverture-paysage d’un livre, des notations encrées d’âme : voilà ce que nous offre l’écriture pure et précise d’Odile Fix.
Avec elle, on avance à pas délicats à travers l’alphabet du végétal et du minéral, on recense les animaux croisés comme on arrangerait des poèmes, pour en faire un recueil (« ne voir que des signes des présences animales. Mais, porter toutes ces présences au fond du corps. Ou, peut-être, sont-elles, même, une chair enfouie »). On contemple le paysage comme un tableau qui s’esquisse et auquel notre regard s’ajuste, embrassant tantôt ses couleurs, tantôt ses formes, tantôt sa composition générale (« Nuages bleu sombre déferlant vers le Sud. Au passage, barrant la montagne. C’est seulement au-dessus du col qu’ils sont échevelés, par en-dessous. Comme si là, la terre aspirait le ciel… »). On interroge la texture de la glace, la couleur des marécages, la frondaison des arbres, le parfum des saisons, l’approche de la pluie, le cycle des vents, la disparition des animaux, le chant de la lumière…
On redécouvre notre silhouette d’humain, simple trait dans la magnitude du paysage (« le vent oblige le corps à se souvenir de la terre. Précaire, la verticalité » ; « à travers feuilles et branches sèches, mes pas sont des orages aigus. Marche disloquée par le doute, cahotante »), corps tendu vers l’infini des chemins à parcourir, pas scandant écriture et contemplation.
Et l’on s’émerveille, tout simplement, de cette nature offerte par fragments lumineux, par fulgurances poétiques qui en feraient presque oublier la rumeur trouble des villes, et qu’on prend tant plaisir à réitérer – redire & re-parcourir.
Un très beau livre, à ranger près d’En remontant les ruisseaux de Jean Rodier.