L’axe du loup
J’avais déjà lu avec plaisir son Petit traité de l’immensité du monde, espèce de manuel ou de petit dictionnaire d’une philosophie du voyage, un manifeste pour tous ceux qui sentent en eux le besoin d’aller éprouver le monde et ses merveilles, de s’arracher au quotidien pour se lancer en quête de l’Aventure, d’un ré-enchantement de l’univers.
Avec L’Axe du loup, Sylvain Tesson suit le chemin des évadés du goulag, tel qu’il est décrit par Slavomir Rawicz dans A marche forcée ou tel que vous pouvez aller l’admirer en ce moment au cinéma dans Les Chemins de la Liberté (un film « sponsorisé » par le National Geographic ne pouvait que transmettre le frisson de la grandeur de certains paysages !). De la Sibérie jusqu’à l’Inde, le long de cet axe eurasiatique qui traverse les climats les plus contrastés (Taïga, steppes mongoles, désert de Gobi, Himalaya…), Tesson revit l’urgence de marcher, de parcourir l’espace et, s’il n’essaye pas de reconstituer la véracité du voyage de Rawicz, il nous en fait passer certaines sensations comme la solitude extrême ou le mépris du corps-machine, réduit à une force tendue par vers l’espace de la liberté – ou, dans le cas de Tesson, le besoin d’aller jusqu’au bout de sa quête.
Il nous en propose les rencontres riches et inattendues (je pense notamment à cette peintre misanthrope croisée aux détours du lac Baïkal), mais aussi les déceptions du voyageur moderne face à des cités corrompues par la modernité, qui ont perdu leur silhouette de contes des mille et une nuits : ainsi Oulan Bator, loin du fantasme des voyageurs empruntant la route de la soie, ou Lhassa, qui est devenue moins un éclat échappé du ciel qu’une ville marchande.
Avec lui, nous partageons exaltations, désespoir (l’éprouvant passage du désert qui, s’il n’est pas aussi intolérable que celui du film de Peter Weir, n’en est pas moins un maigre calvaire), difficultés (comme ce passage d’une frontière, rendue kafkaïen par les dérives d’une administration militaire rigoriste) et l’envie pure d’aller soi-même éprouver le monde, marchant au rythme des poèmes qu’il scande ou des réflexions qu’il mène sur les voyageurs d’autrefois…
Un livre, tenant autant du documentaire que de la réflexion philosophique, qui rouvre bien des perspectives.
Les deux images illustrant cet article sont extraites des Chemins de la Liberté.
3 commentaires
Acheté hier en compagnie du Mage, mise en lecture les prochains jours
Bisous
J’insiste pour que tu lises aussi le Petit Traité… : cela t’inspirera pour ton voyage autour du monde ! :-)