Le fantôme du petit Marcel
Comment faire découvrir Proust aux enfants et les initier à la littérature ? Comment donner aux adultes envie de relire la Recherche et d’y voir, plus qu’un “monstre” littéraire, le miroir d’une société et de sentiments perdus ?
Elyane Dezon-Jones et Stéphane Heuet abordent l’oeuvre de Proust par le biais d’un conte fantastique : deux jeunes filles sont confrontées à l’ombre du Narrateur qui, au fil de ses apparitions asthmatiques, dévoile peu à peu des trames de son grand-oeuvre. Au fil des (courts) chapitres et des illustrations au charme suranné se déploient, telles ces microscopiques fleurs japonaises qui, précipitées dans l’eau, se gonflent, déploient des corolles insoupçonnées, les thèmes de la Recherche et ses images les plus célèbres : madeleines, jeunes filles en fleurs, lanternes magiques, amour maternel y côtoient Gilberte et Swann.
Le titre émerge peu à peu de ces échanges nocturnes entre jeunes filles modernes et ombre du passé, ainsi qu’un projet : écrire “pour que les grandes personnes se souviennent de comment elles étaient quand elles étaient petites“, en s’appuyant sur des sentiments enfantins que le temps explore au kaléidoscope.
Le fantôme du petit Marcel se veut un miroir au dessein proustien : écrit avec un style simple et bienveillant, il se veut conte à destination d’un public jeune et clin d’oeil à l’enfant que porte en lui tout lecteur adulte. Conçu, semble-t-il, pour être lu en famille, il oscille donc entre ces deux regards, enfantin et adulte – comme pouvaient le faire les initiations aux classiques sous forme de bande-dessinée que proposait l’excellente revue Je Bouquine : l’enfant y découvrira les promesses d’un univers qu’il “comprendra plus tard“, mais qui lui promet de pouvoir renouer avec les sensation vivaces de cette enfance douce qu’il est hélas appelé à perdre et à ne pouvoir contempler que comme une “constellation” passée ; l’adulte est appelé à se rappeler la tendresse des contes et les promesses magiques de la lecture, fusse-t-elle celle d’un classique.
Et si le pari n’est pas toujours réussi (difficile de trouver le juste ton pour plaire à ce grand écart d’âges !), le projet est prometteur et l’on suivra avec plaisir Elyane Dezon-Jones et Stéphane Heuet au fil des tomes.
Livre reçu grâce à Babelio.
Un commentaire a déja été laissé
Le projet est vraiment prometteur, en effet !